Les 6 autres étudiants me semblent des enfants. Tous aussi fendants par leur attitude devant le vide que par leur candeur face au danger.

 

Après quelques exercices préparatoires, c’est le moment. On enfile le harnais source « incontestable de sécurité ». Je n’en tremble pas moins. C’est moi qui a choisi, même payé cher ma participation à ce cours de trapèze volant. Mais je suis maintenant face à la bête et je me sens petite, faible et effrayée.

 

« Allez, madame, montez » trois petits mots qui se traduisent automatiquement dans mon cerveau par « enwaye la vieille! Monte qu’on en finisse pis que tu te pettes la gueule! » .

 

Je prends le petit tas minuscule de courage et d’orgueil qu’il me reste et je monte les 13 marches jusqu’au haut du perchoir.  Je les examine s’exécuter un à un, dans toute leur jeune beauté, leur aisance expérimentée. Ils volent, ils rient, il virevoltent. Je les envie! Ça a l’air si simple, si beau! Pourtant le risque est le même! Notre coach s’élance à son tour. Un vieux routier au corps sculpté par l’effort et la vie. Il sera là pour nous attraper au vol.

 

C’est mon tour, on attache mon harnais à la corde, on m’assure que tout ira pour le mieux, j’y crois, je m’approche du bord, mes orteils froids dans le vide géant. « Penchez vous madame! Et attraper le trapèze avec votre main droite. » Pour ce faire je dois me pencher dans le vide. Je me sens tout aussi vidée par la peur que remplie du désir de réussir. Une main me retient à la plateforme. On me tient encore par le harnais. « ok maintenant allez-y! »

 

Je reste là figée incapable, au bord des larmes, mes jointures blanchies par la tension. « hop, on y va, Annik » « Je ne sais pas… » « Je … »

Je ne trouve pas les mots pour décrire ou expliquer mon état. Après plusieurs longues minutes, je finis par tenter la descente. Moment de frayeur! de bonheur! D’excitation! J’ai réussi! Je me balance doucement à bout de bras, au dessus du filet. Je suis dans le vide, sans grâce, sans fioritures, mais je me balance! Comme les autres, je suis des leurs!

 

«  ok quand je vous le dis, vous vous laisser tomber . » Mes mains sont agrippées au trapèze, mes bras sont fatigués, mon âme aussi, mais je m’accroche. Je suis là! Je veux y rester, surtout pas recommencer. « Laissez-vous tomber si non vous risquez de vous faire mal, madame »

Et maintenant c’est le sol qui m’effraie, ce filet rugueux qui m’attend… vais-je bien retomber sur mes pattes? Ça serait si simple de rester là haut perché? non? même si je n’en peux plus?

 

Puis je n’ai plus le choix ni l’énergie, je tombe toute croche, meurtrie, larmoyante, la face dans le filet. Chaque pas jusqu’à l’échelle me fait mal. On me regarde amusé avec un brin de pitié. Puis j’entends « elle, elle revient pas au prochain cours, certain… y’en a toujours qui s’essaient… »

 

Et bien malgré tout j’y suis retourné, 30 heures de cours, beaucoup de larmes, quelques réussites aussi. J’ai appris à vivre avec mes craintes et à avoir mal. J’ai réussi le mouvement montré au tout premier cours… à la toute fin du 12e cours. J’ai acquis le respects des autres élèves.  J’ai appris à faire confiance, à sauter dans le vide.
 

Mon conjoint, dès mon premier cours éprouvant, m’avait demandé : « Mais pourquoi tu te mets dans le trouble de même? » Je ne connaissais pas la réponse jusqu’à ce que je termine la session.

Puis j’ai compris. Mon parcours en affaire allait être similaire. Il y aurait  des plus jeunes, plus aventureux, des « critiqueux », des vieux routiers de mentor pour nous attraper au vol, mais même le meilleur harnais ne nous garantira jamais une entière sécurité.

 

Et le vertige, celui des débuts, oui, il est effrayant et palpitant tout à la fois. Les risques sont calculés, mais c’est souvent l’orgueil et l’acharnement qui l’emportent dans les décisions. On met toutes nos énergies dans notre entreprise. Et une fois là, à nous balancer avec les autres entrepreneurs, on s’use, on ne sait plus, et on regarde le filet qui est là pour nous sauver mais qui nous parait si rugueux, si blessant. Je l’avoue, on m’a souvent dit de laisser tomber, mais ce n’est pas si facile! Je sais que ma chute ne sera ni gracieuse, ni facile. en quelques mots  ça fera mal. Mais que voulez-vous : Y’en a toujours qui s’essaient!  Et ça en prend!

Photo credit: slack12 / Foter / CC BY-NC-ND

Description de produit : petite femme rapide et efficace qui jongle une vie aux multiples passions.

Ingrédients/faite à base de : femme à 100%,  bonheur familial,  passions pédagogiques et entrepreneuriales.

Valeurs nutritives :  un excellente source de créativité, faible en chiffres, remplie de bonne humeur vitaminée, faible en gestion du ménage mais excellente garocheuse de traîneries dans des coins bien cachés.

Conservation : plus de 40 ans grâce au yoga et à la course à pied, à  température ambiante élevée.

Points de vente : Créations Les Gumes, Séminaire des Pères Maristes, dans son salon, dans ses running, sur son tapis de yoga.

annik@creationslesgumes.com

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