37 ans d'expériences

Aujourd’hui, j’ai 37 ans et je suis heureux. J’ai appris à l’être. Ça a commencé très tôt. Lorsque j’avais 7 jours, j’ai appris que pour soulager ma faim, je n’avais qu’à pleurer. Et comme par magie, un liquide onctueux et chaud apparaissait. Puis j’ai appris qu’en me dandinant sur la bedaine, en m’aidant de mes bras et de mes jambes, je pouvais ramper comme un vers de terre. Je me suis alors dit : « Et si j’essayais de faire ça debout comme les adultes? » Je me suis levé sur les genoux, je suis tombé, je me suis relevé. J’ai marché, quelques pas debout, puis je suis retombé sur le popotin. Et un moment donné, un déclic s’est fait, j’ai compris le concept de l’équilibre. Quelques années plus tard, j’ai intégré cet apprentissage pour apprendre à rouler à vélo. D’abord avec mes petites roues, puis sans. Je me rappelle un grand sentiment de liberté. Pour moi, partir avec mon vélo voulait dire que j’étais rendu grand.

Puis l’école est arrivée. J’ai appris à quitter la jupe de ma mère. J’ai appris la méchanceté des enfants et que parfois tes meilleurs amis sont aussi tes pires ennemis. J’ai appris le français facilement, les mathématiques douloureusement. J’ai compris rapidement que je chercherais les plages d’éducation physique dans mon agenda comme on cherche les pépites de chocolat dans un biscuit. J’ai appris la déception, mais aussi l’enthousiasme.

Au secondaire, j’ai su rapidement que je devais choisir un camp : l’option volley, les bums, les anarchistes, les nerds, les weirds ou les skateux. J’ai choisi mes amis skateux et j’ai compris qu’ils seraient mon noyau pendant quelques années. J’ai fait des expériences, essayé des drogues, coulé des cours. Je me suis battu, je me suis fait écoeuré et je me suis vengé sur d’autres. J’ai découvert le punk rock et le snowboard. Aujourd’hui encore, j’ai une âme californienne.

J’ai aussi frenché au secondaire. J’ai découvert l’amour. Celui qui nous élève et qui nous laisse par terre en miettes. Au fond, c’est le même amour. J’ai goûté au sexe et à la blonde qui te change. J’ai commencé à aller voir plusieurs films au cinéma sur le même billet. D’ailleurs, ma passion pour le cinéma est toujours bien présente. Et tranquillement, je suis devenu un adulte. J’ai appris la valeur de l’argent. Le fonctionnement d’un syndicat d’épicerie. Les injustices du monde du travail. J’ai même appris à voter.

Et bang le cégep. Devoirs, travail,  philosophie et découverte de soi. J’ai su assez rapidement que j’allais adorer ça. J’ai toujours aimé apprendre. Le cégep, c’est aussi la confirmation de mon choix de carrière, j’allais travailler en communication. Merci à Serge et Marc, deux profs extraordinaires qui ont allumé cette flamme en moi. Le besoin de m’exprimer et d’être créatif en utilisant le médium de l’écriture était né. Je me rappelle avoir pensé qu’un jour, moi aussi je partagerais ma passion avec des étudiants.

Puis le bac, de belles années. Et surtout le début de superbes amitiés qui perdurent encore aujourd’hui. J’ai appris que j’étais fidèle en amitié. L’université a testé à plusieurs reprises ma procrastination. J’ai d’ailleurs compris que j’étais assez productif sous pression. Pratique dans le milieu de la pub. J’ai essayé beaucoup de choses. J’ai travaillé pour le journal étudiant, la radio étudiante, l’agence de pub étudiante. À cette époque, je savais déjà que pour savoir si on aime quelque chose, il faut y goûter. Le bac a été un vrai carré de sable. Mais je n’étais plus un enfant : difficulté à m’exprimer, gêne, angoisse,  pression, insomnie. J’ai appris que la vie était pleine de zones grises et que le gris pouvait tacher.

Mais le véritable apprentissage commence lorsque tu es (finalement) dans ta vie de travailleur à temps plein. Parce qu’avant ça, tu peux toujours étirer d’une session, couler un cours ou perdre ta job sans grandes conséquences. Le problème, c’est qu’un jour tu dois assumer que les partys chez J-P, les week-ends de snowboard au Saint-Castin et la fuite des responsabilités, c’est vraiment fini.

Vous connaissez l’expression « apprendre à la dure » ou « il faut payer pour apprendre » ? Aujourd’hui, à 37 ans, je comprends ce que ça veut dire. Ce que mes parents essayaient de me dire…

Dans les 10 dernières années, la vie m’a appris énormément de choses. Qu’il ne fallait jamais rien tenir pour acquis. Que la famille, l’amour et la santé étaient plus importants que tout. Que lorsqu’on dit la vérité, on n’a pas besoin de se souvenir de ce qu’on dit. Qu’il ne faut pas présumer de la bonne ou de la mauvaise foi des gens. Qu’être travailleur autonome amène une liberté aussi grande que ses responsabilités. Que perdre ses cheveux, c’est chiant. Qu’il faut faire du ménage dans sa vie de temps en temps. Que voyager est la meilleure façon de découvrir les vertus de sortir de sa zone de confort. Que parfois on choisit les mauvais associés ou les mauvais projets. Que courir après des clients pour être payé peut vous empêcher de dormir. Qu’avoir de saines relations est une des clés du bonheur.

Et surtout, j'ai appris que je ne faisais que commencer à apprendre.

Révision: Josée Goupil