Mercredi le 28 janvier prochain aura lieu un midi-conférence avec Julie Miville-Dechêne sous le thème de la place des femmes sur les conseils d’administration au Québec (évènement organisé conjointement par Les Femmes en Affaires de la Capitale Nationale et Femmes Alpha).

 Je sais, à première vue, ce thème semble aride. Mais, considérant tout le chemin parcouru par les femmes du Québec et les portes qui nous ont été ouvertes à grands coups de revendications par nos grand-mères (qui, avouons-le, n’avaient pas froid aux yeux), ce sujet mérite bien qu’on s’y intéresse un peu. En fait, ces femmes qui nous ont ouvert les portes méritent qu’on s’y intéresse grandement.

Nous avons tendance à prendre nos droits et liberté pour acquis, mais il faut se rappeler que si aujourd’hui les femmes ont l’opportunité d’accéder à des professions anciennement réservées aux hommes, c’est parce que des femmes se sont battues pour nous. Quand j’étais pilote d’avion, presque tous les matins je remerciais secrètement ces femmes (et ces hommes aussi) qui se sont battues pour faire évoluer notre société.

Or, les femmes du Québec tardent encore à prendre leur place dans certains milieux, en politique et dans les postes de haute direction.  Personnellement, je me dis simplement ‘’qu’est-ce qu’on attend les filles?’’, mais je sais que le sujet est bien plus complexe. Heureusement, que nous avons des femmes comme Julie Miville-Dechêne qui nous invite à la réflexion quant au chemin qu’il reste à faire pour que nous les femmes du Québec puissions rayonner pleinement professionnellement et continuer d’ouvrir des portes pour les générations futures.

Dans le cadre de ce midi-conférence, nous avons cru que vous seriez intéressées à connaître un peu plus cette femme remarquable qu’est Julie Miville-Dechêne. Nous lui avons donc posé quelques questions. Voici ses réponses!

 

RÉPONSES – Julie Miville-Dechêne

1. Comment une entreprise ou un conseil d’administration peut-il bénéficier d’une présence accrue de femmes au sein de ses rangs?

Une seule réponse : la diversité. Diversité d'opinion, diversité dans la façon de penser : tout cela ne peut que permettre à une compagnie de mieux comprendre sa clientèle et son marché, qui se complexifient de plus en plus. Il n’y a pas de lien de cause à effet démontré entre la rentabilité d’une entreprise et la présence de femmes à la haute direction. Mais les spécialistes de la question s’entendent : il existe un consensus sur l’effet bénéfique de la mixité au sein d’une organisation. L’apport de gens de cultures et d’expertises diversifiées suscite la discussion et favorise la diversité de points de vue. L’innovation vient de la marge : il faut aller puiser nos collaboratrices et collaborateurs dans des bassins nouveaux, si on veut demeurer à la fine pointe des innovations et des tendances.

 

2. Certaines entreprises, comme Jean-Coutu ou Québécor, semblent mieux performer en terme de parité hommes-femmes, et ce, sans avoir de politiques claires en cette matière. Quels facteurs, à votre avis, permettent à certaines entreprises d’avoir une plus grande représentation de femmes au sein de leur conseil d’administration ou de leurs postes de haute direction?

On a besoin de gens qui se font les champions de l’idée, pour la faire progresser. Il peut s'agir d'une personne haut placée dans l'entreprise (PDG ou autre), qui a cette préoccupation d'embaucher des femmes au CA ou dans la haute direction. On peut penser par exemple à Monique Leroux, chez Desjardins. Parfois, c’est dans les secteurs plus traditionnellement féminins que l’on a tendance à accepter naturellement les candidatures féminines et/ou il y a plus de candidatures féminines. Parfois, c'est le hasard ou l'absence de discrimination consciente ou inconsciente dans le recrutement au C.A. (Il est difficile pour moi de commenter les 2 cas soulevés car il faudrait que j'enquête sur les entreprises et la façon dont les embauches se font.)

 

3. Faut-il, à votre avis, imiter les sociétés d’État québécoises (la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État) et obliger les grandes entreprises à respecter la parité hommes-femmes au sein des conseils d’administration?

Pour l’instant, le Conseil n'a pas pris position en faveur des quotas pour la parité dans les C.A. Nous avons mis de l'avant différentes mesures incitatives pour encourager les entreprises privées à faire elles-mêmes les changements qui s'imposent. Toutefois, si rien ne bouge d'ici quelques années, il faudra en arriver à des méthodes plus musclées.

 

4. L’objectif principal du Conseil du Statut de la Femme est de conseiller le gouvernement du Québec sur tout sujet lié à l’égalité et au respect des droits et du statut de la femme. Ma question est peut-être naïve, mais reste-t-il du chemin à faire au niveau de l’égalité hommes-femmes au Québec en 2015? À quel niveau? (Qu’est-ce qui vous préoccupe en matière d’égalité hommes-femmes au Québec?)

Oui, il reste encore du chemin à faire, même si les inégalités entre les femmes et les hommes sont bien moins grandes ou visibles qu'avant. Je suis préoccupée par la violence envers les femmes, qui ne semble pas diminuer si l'on se fie aux statistiques en matière de violence conjugale et d’agressions sexuelles. Je suis aussi préoccupée par les stéréotypes, qui font que les jeunes femmes choisissent encore trop souvent des professions traditionnellement féminines, et souvent moins bien rémunérées, plutôt que de s'investir des secteurs en plein essor et très bien payés, par exemple les technologies de l’information.  Et puis il y a tout l’enjeu de l’égalité dans les couples, le partage des tâches domestiques, le soin des enfants et des parents, les congés parentaux, etc. Alors oui, il reste encore bien du chemin à parcourir.

 

Mme Miville-Dechêne, vous avez un parcours professionnel très inspirant pour beaucoup de femmes (et d’hommes!)

5. En tant que femme, avez-vous eu à faire face à des obstacles particuliers dans le cadre de votre vie professionnelle? Si oui lesquels?

Oui, comme beaucoup de femmes de ma génération, j'ai retardé le moment d'avoir des enfants car je pensais que cela nuirait à mes chances de décrocher un poste. Puis, j'ai fait certains choix de carrière dans la quarantaine en tenant compte de mon rôle de mère; j’ai décliné des offres qui auraient pu mousser ma carrière, mais nuire à ma vie familiale. À l'époque où j'ai commencé, le journalisme était un monde d'hommes, et j'ai dû travailler fort pour que ma crédibilité soit reconnue, car il y avait énormément de paternalisme dans les salles de nouvelles.

 

6. Quelles raisons vous ont poussée à accepter la présidence du Conseil du statut de la femme du Québec ?

Il s’agissait d’un super défi.  À titre de journaliste, on ne peut pas défendre une cause, il faut demeurer neutre. Maintenant, à titre de présidente du Conseil, j'ai le privilège de pouvoir prendre la parole publiquement pour défendre les droits des femmes, tout en dirigeant un conseil de recherche, moi qui n'avais jamais fait de gestion.

 

7. Qu’aimeriez-vous dire aux jeunes femmes d’aujourd’hui qui aspirent à une grande carrière (peu importe le domaine)?

Qu'elles peuvent tout avoir, mais pas nécessairement tout en même temps. Il ne faut pas se mettre trop de pression, et croire qu’on doit avoir une carrière qui nous fait parcourir le monde, en même temps qu'assurer une présence constante auprès des enfants. Carrière et vie de famille se conjuguent, à condition de faire des compromis dans l'un ou dans l'autre domaine, selon les périodes. Et la conciliation doit se faire à deux : à mon avis, l'idéal dans un couple, c'est que ce soit « chacun son tour », que l'on trouve un équilibre ensemble. Bien sûr, la conciliation travail-famille est davantage acceptée par certains employeurs, comme dans la fonction publique. Mais il ne faut pas croire que cela sera facile, car il y a encore beaucoup de résistance de part et d’autre. Autre conseil : ne vous mettez pas vous-même des barrières. Les obstacles sont surmontables; ayez confiance en vous et croyez en votre valeur.

 

8. Avez-vous eu et avez-vous encore des modèles, des femmes qui vous inspirent? Lesquelles?

Plusieurs ! Judith Jasmin à la Société Radio-Canada, une des pionnières en journalisme; Lise Bissonnette, ex-éditorialiste au Devoir; Françoise David, pour sa manière de faire de la politique; Christiane Amanpour, la reporter de guerre à CNN, d’origine iranienne, qui a brisé bien des plafonds de verre; et ma mère, qui a fait un doctorat tout en élevant 3 enfants seule.

 

9. Finalement, avez-vous un grand rêve?

Au plan personnel, j’aimerais apprendre à ralentir et être capable de profiter davantage du moment présent. Je vais toujours trop vite... J'aimerais aussi inspirer mes enfants pour qu'ils soient heureux et qu’ils deviennent des personnes engagées dans leur communauté.

Au plan professionnel, j'aimerais trouver LA façon de changer les mentalités des hommes et des femmes pour atteindre l'égalité... Il me reste encore du travail à faire!

 

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Biographie:

Mme Julie Miville-Dechêne devient présidente du Conseil du statut de la femme le 15 août 2011. Elle a auparavant été journaliste à Radio-Canada pendant plus de 25 ans, à titre de documentaliste, de rédactrice et de reporter. Du 1er avril 2007 au 31 juillet 2011, elle a occupé la fonction d’ombudsman des Services français de Radio-Canada. Mme Miville-Dechêne a été la première femme à occuper ce poste, cette nomination faisant d’elle la première représentante des auditeurs et des téléspectateurs de Radio-Canada. De 1987 à 1998, Julie Miville-Dechêne a été correspondante de ladite Société d’État pour les nouvelles télévisées à Toronto, à Ottawa et à Washington. En 1999, elle est revenue à Montréal où elle a travaillé comme journaliste aux émissions Le point et La facture, de même qu’au Téléjournal. Mme Miville-Dechêne a également travaillé à quelques reprises pour le réseau anglais de CBC/Radio-Canada.

Source: https://www.csf.gouv.qc.ca/le-conseil/a-propos/la-presidente/

Je suis co-fondatrice d'Atelier Ëdele, une entreprise de literies en coton biologique pour les enfants avec une forte philosophie d'engagement social. Je contribue également depuis peu au club des petits déjeuners comme co-organisatrice d'un événement d'envergure. Au sein de la communauté Femmes Alpha, je joue le rôle d'éditrice en chef et idéatrice. Ayant déjà fait quelques changements de carrières, passant de pilote d'avion à analyste politique à entrepreneure, je peux affirmer être une femme guidée par ses passions profondes et qui aime l'aventure! Comme vous, je désire laisser une empreinte positive dans la société et inspirer d'autres femmes à suivre cette voie. Ah et je suis également mère!

 

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