Lundi matin, 9h. Je suis en route vers le travail. Je viens à peine de tourner le coin de ma rue de banlieue quand un homme dans la soixantaine, traversant à pied en pleine rue, me fait signe de ralentir, ce que je fais.

Je baisse ma vitre pour lui demander ce qui ne va pas. Je lui mentionne rouler à 20 km/h dans une zone de 30 – zone scolaire oblige - et l’avoir bien vu traverser en plein cœur de la rue, plutôt qu’à une intersection.

Il semble confus un instant puis me relate ne pas se sentir très bien lorsqu’il marche en raison de la cigarette, qu’il a fumé près de 45 ans. Je lui démontre de l’empathie, remarquant du même coup que toutes mes portières sont débarrées et que je ne me sens pas en sécurité.

Il appuie ses coudes sur le rebord de ma fenêtre ouverte pour continuer de converser. Rapidement, il me demande s’il peut monter, afin que je le mène au métro, « parce qu’il a une urgence et du mal à respirer ». Soupçonneuse, je lui mentionne ne pas me sentir à l’aise avec l’idée, puisque je ne le connais pas. Je lui envoie un « désolée et prenez votre temps en marchant » avant de redémarrer.

Puis, le doute. Et si cet homme était vraiment en détresse? Et s’il avait vraiment besoin de mon aide, ce matin? Et si, en raison d’une poignée de gens en qui on ne peut faire confiance, je venais de le mettre dans le même panier que ces derniers, à tort?

Je me suis également demandé quelle aurait été ma réaction si j’avais été avec mon chum ou encore, si j’avais moi-même été un homme. Me serais-je sentie davantage en sécurité? Aurais-je tant douté de l’honnêteté de l’inconnu? Aurais-je eu la même crainte face à UNE inconnue?

Tant de questions sans réponses. Ce que je sais, par contre, c’est que je vis un profond inconfort à me sentir si peu en sécurité dans mon propre quartier, un lundi matin, 9h. Que j’en ai ras-le-bol de ne pas me sentir en sécurité, pour la simple et bonne raison que je suis une femme. Une proie facile. Et que je n’ai pas envie de mettre tous les hommes dans le même panier, de douter des hommes de confiance ou pire, de faire confiance à des hommes qui ne le méritent pas.

Et vous, vous sentez-vous en sécurité? En plein jour, en pleine nuit? En habit de skidoo? Non? N’est-ce pas alarmant, au plan sociétal?

Photo credit: Jonathan Kos-Read / Foter / CC BY-ND

Psychoéducatrice, Stéphanie Deslauriers travaille auprès d'enfants et d'adolescents ainsi que de leur famille. En septembre 2010, elle a créé un blogue à succès, intitulé Ensemble, maintenant. Elle a eu l'occasion de collaborer avec La Presse à quelques reprises et a participé à plusieurs émissions pour aborder des sujets en lien avec sa profession. Depuis septembre 2014, on peut la voir sur les ondes de Télé-Québec à l'émission Format familial, où elle est chroniqueuse. Elle écrit également au Huffington Post Québec, section « Art de vivre », en plus d’avoir une chronique mensuelle à l’émission Airs de Jeux, sur les ondes de radio CIBL. Elle a publié des livres pédagogiques s'adressant aux jeunes et aux adultes qui les entourent. En septembre 2014, elle a publié son premier roman littéraire.

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