Lorsque j’ai rencontré Marie-Claude Chevrette, elle venait de remporter la Bourse Jeune Entreprise de la JCCQ. C’était en 2013. La copropriétaire d’Éconeau est une éternelle optimiste qui se nourrit aux défis. Et des défis, elle en a. Son entreprise évolue dans un monde d’hommes et leur système de récupération d’eau de pluie a un marché pratiquement vierge à conquérir. Marie-Claude a aussi relevé un autre défi récemment : celui de vaincre le cancer du sein. Entretien avec une femme qui ne se décourage pas facilement.

Marie-Claude, tu travailles avec ton père, comment se passe la relation père-fille-associés ?

Au début, ce n’était pas très positif. On jasait seulement de job. On oubliait de se demander : « Comment ça va ? » On a dû s’adapter. Maintenant, c’est beaucoup mieux. On s’entend bien et ça aide aux affaires. Quand tu dois affronter des montagnes, c’est important de bien connaître ton associé.

La plupart des clients d’Éconeau sont des hommes, comment gères-tu le fait de travailler dans un monde majoritairement masculin ?

Lorsque j’ai commencé, quand j’arrivais sur un chantier de construction, j’étais intimidée. Malheureusement, il y a encore du sexisme. Les hommes ne croyaient pas qu’une femme pouvait s’y connaître dans les systèmes de récupération des eaux. Ils étaient sceptiques. Mais ça m’a permis d’aiguiser mes arguments et devenir meilleure.

En 2013, trois jours avant ton mariage, tu apprenais que tu étais atteinte du cancer, comment as-tu annoncé la nouvelle à tes proches ?

On a annoncé la nouvelle à tout le monde le jeudi, en leur disant qu’ils avaient le vendredi pour la digérer parce que le samedi ils devaient être heureux et souriants à notre mariage. Ce n’était pas le cancer qui allait amener un nuage sur le plus beau jour de ma vie.

Après le diagnostic, qu’est-ce qui a changé ?

On perd nos moyens avec la maladie ! Moi qui suis une femme forte, je suis devenue vulnérable et craintive. J’ai arrêté le développement des affaires, mais j’ai continué à travailler. Je ne faisais qu’éteindre les feux et répondre aux demandes d’information. C’était bon pour ma tête de penser à autre chose que la maladie.  Étrangement, malgré les 5 chimios et les 2 opérations, j’étais assez en forme. Comme on me donnait un boost pour aider mon système immunitaire, j’étais (presque) en parfaite santé même si tout le monde autour de moi avait le rhume.

Comment as-tu découvert que tu avais le cancer ?

En faisant mon auto-examen des seins. C’est grâce à Geneviève Borne qui était passée par là. Après l’avoir vu raconter son histoire à la télé, j’avais commencé à faire mon examen chaque mois. Je me suis rendu compte que personne ne faisait l’auto-examen. J’ai sauvé mon sein et ma vie grâce à ça.

D’ailleurs, tu as lancé la page Facebook On se touche à soir pour rappeler aux femmes de faire leur auto-examen.

Oui, parce que je trouve qu’on dramatise trop la maladie. On n’en parle pas bien. Sauf quelques exceptions comme le roman Ah shit, j'ai pogné le cancer de Maude Shitz ou la BD La guerre des tétons de Tchao Gunther.

1 femme sur 9 va vivre le cancer du sein. C’est primordial de faire l’auto-examen. Sur ma page Facebook On se touche à soir, je rappelle aux femmes de s’examiner à chaque pleine lune. Je suis aussi disponible pour répondre à leurs questions.

Est-ce que l’entrepreneuriat est quelque chose qui t’a toujours attiré ?

Oui, j’ai toujours su que j’allais avoir mon entreprise. Mais c’est vraiment lorsqu’il y a eu le bris au chalet et que mon père a patenté un système de récupération d’eau de pluie que je me suis dit : « Ça y est, c’est l’idée que j’attendais pour me lancer. »  Mais ça n’a pas été facile. Nous avons travaillé pendant 3 ans avant d’avoir le système parfait. S’ajuster aux normes de l’industrie, c’est long et compliqué.

Mais je me nourris aux défis. J’aime faire les choses différemment. Quand j’étais jeune, je voulais être la première femme astronaute. Julie Payette est passée avant moi ! C’est une femme que j’admire car elle a travaillé fort et elle a suivi son rêve dans un monde d’hommes.

Tu es copropriétaire d’une entreprise écoresponsable, es-tu inquiète pour notre planète ?

On consomme 5 fois notre planète par année, c’est clair qu’on ne peut pas continuer à vivre comme ça. Il faut changer nos habitudes, mais ça ne va pas assez vite. Malheureusement, la vague de compagnies qui s’affichaient (faussement) vertes a enlevé de la crédibilité au mouvement écologique. Être vraiment vert, ce n’est pas facile.

Pour toi, c’est quoi la définition du mot entrepreneur ?

C’est d’abord quelqu’un de passionné par son idée. Un entrepreneur c’est aussi une pieuvre parce que ça touche à tout, tout le temps. Pour être un bon entrepreneur, il faut être capable de bien transmettre ses valeurs. Parce qu’avant tout, une entreprise, c’est une relation entre des humains.

Quel produit aurais-tu aimé inventer ?

Le rapidotron. J’adore voyager ! Et surtout, parce que ça ne va jamais assez vite pour moi dans la vie.

Parlant de la vie, qu’est-ce que ça prend pour être heureux ?

Le bonheur est ébranlable, j’ai appris ça avec la maladie. Mais je crois que pour être heureux, il faut rester positif et écouter son cœur, c’est le seul secret.

Patrick Goulet est un créatif philanthrope. Depuis qu’il s’est lancé à son compte comme rédacteur publicitaire et web en 2006, il a toujours fait du bénévolat. Patrick est présentement administrateur économie libérale au CA du CLD de Québec et bénévole en communication pour Bénévoles d’Expertise.  Passionné par la créativité et l’entrepreneuriat, le brasseur d’idées aide les entreprises à mieux communiquer avec des mots et des idées de marque.

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